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Dzogchen et les Six Yogas de Naropa
19 décembre 2005

Bönpo : tradition ancestrale du Tibet

Les bonpos soutiennent que le Bön a pour origine la région de l’Olmo Lungring, partie du Tazig (rtag gigs). “Ol” symbolise ce qui n’est pas encore né, “mo” ce qui ne peut être diminué, “lung” le pays prophétique de Tonpa Shenrab (ston pa gshen rab) le fondateur du Bön, et “ring” la dernière compassion. L’Olmo Lungring constitue un tiers du monde existant et est situé à l’ouest du Tibet. Cette région est représentée par un lotus à huit pétales dans un ciel symbolisé par une roue à huit rayons. Au centre se dresse le mont Youngdrung Gutseg, “pyramide des neuf svastikas”, le svastika étant le symbole de la permanence et de l’indestructibilité. Les neuf svastikas empilés représentent les neuf voies du Bön. A la base du mont Youngdrung jaillissent quatre rivières coulant dans les quatre directions. La montagne est entourée de temples, villes et parcs. Au sud se trouve le palace Barpo Sogye, où Tonpa Shenrab est né. A l’ouest et au nord se trouvent les palais où vivent ses femmes et ses enfants, à l’est un temple nommé Shampo Lhatse, dédié à la prière. L’ensemble des palais, rivières et parcs avec le mont Youngdrung au centre constitue la région intérieure (Nangling) de l’Olmo Lungring. La région intermédiaire (Barling) est constituée de 12 citées, 4 étant dirigées vers les points cardinaux. La troisième région constitue le pays extérieur (Taling). Ces trois régions sont encerclées par un océan puis par des montagnes enneigées. Avant sa visite au Tibet, Tonpa Shenrab tira une flèche et créa ainsi un passage à travers les montagnes ; l’accés à l’Olmo Lungring se fait donc par le chemin dit de la flèche (Delam).

Cette description très sophistiquée de l’Olmo Lungring a été rapportée à différentes régions selon les écoles. Certains y voient le mont Kailash (Ti Se) et les 4 grandes rivières qui naissent de sa base : la Chine à l’est, l’Inde au sud, l’Orgyan à l’ouest et le Khotan au nord. D’autres pensent qu’elle ressemble à la géographie du Moyen-Orient et de la Perse à l’époque de Cyrus le Grand. Pour un croyant bonpo, la question de l’identification géographique de l’Olmo Lungring passe après sa signification symbolique, qui est clairement utilisée pour indiquer un monde irréel. Les descriptions symboliques mêlant histoire, géographie et mythologie sont très répandues dans les écritures saintes. La représentation de l’univers avec le mont Meru supportant le ciel, les 4 continents principaux aux 4 points cardinaux et cette terre comme continent du sud (Jampu Vipa) en est un autre exemple similaire.

Le fondateur de la religion Bön est le Seigneur Shenrab Miwo. Aux temps anciens ils étaient trois frères : Dagpa, Selwa et Shepa qui ont étudié les doctrines Bön dans le paradis nommé Sipa Yesang, sous l’égide du sage bonpo Bumtri Logi Chechen. Lorsque ses étudiants lui ont demandé comment aider le monde vivant, submergé par la misère et le chagrin de la souffrance, il leur conseilla d’agir comme des guides pour l’humanité durant les trois ages successifs du monde. Ainsi le plus vieux des frères, Dagpa, acheva son travail dans le monde du passé ; le second frère, Selwa, prit pour nom Shenrab et devint le professeur et guide du monde présent ; le plus jeune, Shepa, viendra enseigner dans le prochain age du monde. Le Seigneur Shenrab est né dans le palais Barpo Sogye, au sud du mont Yungdrung. Il est né prince, a été marié jeune et eu des enfants. A 31 ans il renonça au monde et vécut dans l’austérité, enseignant la doctrine. Durant la majeure partie de sa vie, ses efforts pour propager la religion Bön ont été gênés par le démon Khyabpa Lagring, ce dernier ayant combattu ou entravé le travail de Tonpa Shenrab avant d’être convertis. Un jour, poursuivant le démon pour récupérer ses chevaux volés, Tonpa Shenrab arriva au Tibet où ce fut sa seule visite. Il y communiqua des instructions concernant la représentation des rituels mais, dans l’ensemble, trouva que le pays n’était pas prêt à recevoir tous les enseignements. Avant de quitter le Tibet, il prophétisa que tous les enseignements apparaîtront lorsque le Tibet sera mûr. Tonpa Shenrab décéda à 82 ans.

Il y a trois écrits de Tonpa Shenrab. Le premier et le plus court est le Dodus, Modèle de l’Aphorisme ; le second est le Zerming, les Yeux Percés. Tous deux datent respectivement du dixième et onzième siècle. Le troisième et plus important est le Zhiji, le Glorieux : il a été connu par transmission spirituelle à Loden Nyingpo au quatorzième siècle. Ces doctrines enseignées par le Seigneur Tonpa Shenrab et inscrites dans ces trois textes sont séparées selon deux systèmes.

La première classification est appelée Gozhi Dzonga, elle est comprend cinq parties : les 4 portes et le trésor :
* Chabkar “les Eaux Blanches” : contient les pratiques ésotériques ou plus hautement tantriques.
* Chabnag “les Eaux Noires” : récits et rites variés, magie et rituels ordinaires (mort, funérailles, maladie et offrandes).
* Pangul “le Pays de Pan” : explique les règles monastiques et présente les concepts philosophiques.
* Ponse “le Guide de la Seigneurie” : contient les pratiques de la Grande Perfection (Dzogchen).
* Totog “le Trésor” : compare les aspects essentiels des quatre portes.

La seconde classification est appelée Tegpa Rimgui Bon, le Bön des neuf étapes successives ou simplement les neuf voies du Bön. Les quatre premières sont les causes (Gyuyi Tegpa), les quatre suivantes sont les résultats (Drabui Tegpa) et la neuvième est la grande perfection (Dzogchen). Examinées individuellement, voici leur signification :

1. La voie du Shen de la Prédiction (Chasen Tegpa) décrit 4 différentes voies: prédiction-sortilège (mo), astrologie (tsi), rituels (to) et l’examination des causes (che).
2. La voie du Shen du monde visuel (Nang Shen Tegpa) explique l’origine et la nature des dieux et des démons vivant dans ce monde, les méthodes d’exorcisme et les différentes sortes d’offrandes.
3. La voie du Shen de l’Illusion (Trulshen Tegpa) contient les rites pour se débarrasser des pouvoirs adverses.
4. La voie du Shen de l’Existence (Sishen Tegpa) concerne l’état après la mort (bardo) et la méthode pour guider les vivants vers la libération finale ou une meilleure réincarnation.
5. La voie des Partisans Vertueux (Genyen Tegpa) guide ceux qui suivent les dix vertus et les dix perfections.
6. La voie Monacale (Drangsgon Tegpa) décrit les lois de la discipline monastique.
7. La voie du Son Pure (Akar Tegpa) expose les hautes pratiques tantriques, la théorie de la réalisation au travers des cercles mystiques (mandalas) et les rituels de ces pratiques.
8. La voie du Shen Vierge (Yeshen Tegpa) insiste sur la nécessité d’un bon maître, lieu et occasion pour les pratiques tantriques. Décrit en détail la position des cercles mystiques avec des instructions pour la méditation sur des déités particulières.
9. La voie Suprême (Lama Legpa) : le plus haut accomplissement de la grande Perfection (Dzogchen).

Les premières écritures Bön ont été ramenées au Zhang Zhung par six disciples de Mucho Demdrung, successeur de Tonpa Shenrab. Elles ont d’abord été traduites en langue Zhang Zhung puis en tibétain. Les travaux inclus dans le canon Bön tels que nous les connaissons sont écrits en tibétain, mais beaucoup d’entre eux, spécialement les plus vieux, gardent le titre et parfois des passages entiers en langue Zhang Zhung. Jusqu’au septième siècle, Zhang Zhung existait comme état indépendant situé à l’ouest des provinces du Tibet central U et Tsang, généralement appelé Tibet de l’Ouest. L’évidence historique est incomplète mais il y a des indications montrant que le Zhang Zhung s’étendait depuis Gilgit à l’ouest au lac Namtso à l’est, et de Khotan au nord au Mustang au sud. La capitale du Zhang Zhung était Khyunglung Ngulkhar, le Palais d’Argent de la vallée Garunda, dont on peu trouver les ruines dans la haute vallée Sutlej, au sud-ouest du Mont Kailash . La langue Zhang Zhung est classifiée dans le groupe tibéto-birman des langues sino-tibétaines. Ce pays semble avoir été dirigé par une monarchie jusqu’au neuvième siècle lorsque le dernier roi, Ligmirgy, fut assassiné par le roi Songsten Gampo. Le Zhang Zhung devint alors une partie intégrale du Tibet, fut peu à peu tibétanisé et sa culture philosophique et religieuse imprégna le Tibet. Avec l’intérêt croissant pour la religion bouddhiste, la création du monastère Sanye en 779 et l’établissement du bouddhisme comme religion d’État, la religion Bön a été persécutée et des attaques sérieuses ont été tentées pour l’éradiquer. Néanmoins, les adhérents bonpo de la noblesse et plus généralement du peuple, imprégnés de la culture Bön depuis plusieurs générations, ont conservé leurs convictions religieuses et le Bön survécu. Durant les septième et huitième siècles, qui furent une période particulièrement difficile, beaucoup de prêtres bonpos ont fui le Tibet central, ayant caché leurs écritures de peur de leur destruction et afin de les conserver pour les générations futures. Drenpa Namdak, une des plus grandes personnalités bonpo de cette époque, se convertit au bouddhisme dans le but de préserver en secret les enseignements Bön malgré le risque de se faire tuer.

Du huitième au onzième siècle, nous ne savons quasiment rien sur le développement du Bön. Sa renaissance commença avec la découverte de textes importants par Shenchen Luga (969-1035) en 1017, qui le fit réémerger en système religieux très structuré. Shenchen Luga était un descendant de Tonpa Shenrab et sa famille est importante aujourd’hui au Tibet. Il eut un grand succès ; à trois de ses disciples il confia la continuation des trois différentes traditions. Au premier, Druchen Namkha Yungdrung, né du clan de Dru qui migra de Drusha (Gilgit) au Tibet, il confia l’enseignement de la cosmologie (Dzopu) et de la métaphysique (Gapa). Un de ses disciples fonda le monastère de Yeru Wensaka en 1072. Ce monastère devint un grand centre d’apprentissage jusqu’en 1386 où il fut très endommagé par une inondation puis abandonné. Après la disparition de Yeru Wensaka, sa famille continua à soutenir la religion Bön mais s’arrêta au dix-neuvième siècle lorsque la réincarnation du Panchen Lama fut trouvée pour la deuxième fois dans cette famille (la première réincarnation était le second Panchen Lama, né en 1663, et la seconde le cinquième, en 1854). Le second disciple, Zhuye Legpo, fut assigné à conserver les pratiques et enseignements du Dzogchen. Il fonda le monastère de Kyikhar Rizhing. Les descendants actuels de la famille Zhu vivent en Inde. Le troisième disciple, Paton Palchog, prit la responsabilité de soutenir les enseignements tantriques. Les membres de la famille Pa migrèrent du Tsang au Kham, où ils vivent aujourd’hui. Menkhepa Palchen (né en 1052), venant du clan de Meu, fonda le monastère Zangry, qui devint aussi un centre d’études philosophiques. Ainsi, du onzième au quatorzième siècle, les bonpos avaient quatre importants centres d’étude, tous dans la province de Tsang. Au quinzième siècle, les études religieuses furent renforcées par la création du monastère Menri en 1405 par le grand professeur Nyame Serab Gyaltsen (1356-1415). Le monastère de Menri et les deux mentionnés plus haut restèrent les plus importants centres d’études jusqu’à l’invasion chinoise en 1959. Le monastère de Yungdrung Ling fut fondé en 1934 et, peu après, le monastère de Kharna, tous deux sous la tutelle de Menri. Avec ces monastères comme centre d’étude et d’inspiration religieuse, beaucoup de monastères ont été établis dans tout le Tibet (excepté la région centrale de U), spécialement au Kyungpo, Kham, Amdo, Gyarong et Hor. Au début du vingtième siècle il y avait 330 monastères Bön au Tibet.


Déité bön

tonpashenrab

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